Le financement du logement familial

16
Sep
2016
Le financement du logement familial

Le financement du logement familial

Par webmaster

Dans le prolongement de sa jurisprudence entamée par un arrêt rendu le 04 Juillet 2012, la Cour de Cassation a encore apporté une pierre à l’édifice en rendant le 25 Septembre 2013 une dernière décision précisant définitivement le cadre dans lequel sera liquidé un bien immobilier destiné au logement familial, acquis en indivision par des époux mariés sous le régime de la séparation de biens.

La situation est celle (oh ! combien habituelle !) du couple marié sous le régime séparatiste qui acquiert un bien destiné à loger sa famille (mais la solution semblerait être la même pour une résidence secondaire ?). Un des époux finance sa part mais également pour partie ou même entièrement la part de son conjoint.

La question est de savoir si l’époux apporteur des deniers (l’époux solvens) peut se prévaloir d’une créance ou à tout le moins d’une indemnité compensatrice à l’égard de l’autre conjoint lors des opérations de liquidation du régime matrimonial post-divorce.

On se rappelle que la Cour de Cassation, aux termes de ses arrêts du 15 Mai 2013 (3 rendus le même jour), confirmés le 12 Juin 2013, avait arrêté que le « sur-paiement » de l’époux solvens correspondait à son obligation de contribuer aux charges du ménage, ce qui empêchait toute demande de remboursement lors des opérations de liquidation, sauf à ce que ce dernier puisse prouver une « sur-contribution » de sa part.

La loi du 5 mai 2007 (n° 2007-308) a été complétée par un certain nombre de décrets d’application dont les principaux sont :

Dans sa décision du 25 Septembre 2013, la Cour de Cassation vient, pour une part, confirmer et préciser ses derniers arrêts en retenant que dès lors que par une clause expresse de leur contrat de mariage, « les époux étaient convenus qu’ils contribueraient aux charges du ménage dans la proportion de leurs facultés respectives et que chacun d’eux serait réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive en sorte qu’aucun compte ne serait fait entre eux à ce sujet et qu’ils n’auraient pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature, les juges du fond ont souverainement estimé qu’il ressortait de la volonté des époux que cette présomption interdisait de prouver que l’un ou l’autre des époux conjoints ne s’était pas acquitté de son obligation ».

C’est dire que la Cour de Cassation laisse aux juges du fond, dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation, la liberté d’apprécier si la volonté des époux a été d’interdire de prouver que l’un ou l’autre des conjoints ne s’est pas acquitté de son obligation contributive.

En théorie et en droit, cette présomption « d’interdiction de faire les comptes » pourra toujours être contestée et la preuve contraire apportée.

En pratique toutefois et dans la mesure où cette preuve sera extrêmement difficile à rapporter, cela revient à dire : « Il n’y a pas de compte à faire sur l’obligation de contribuer aux charges du mariage » !

D’autre part, aux termes dudit arrêt, la Cour Suprême déduit expressément de la nature de « logement familial » du bien financé par l’époux solvens, que ce dernier ne pouvait réclamer quoique ce soit au titre d’un prétendu excès de contribution aux charges du mariage.

Il n’y a plus d’échappatoire possible...

Autrement dit : le logement de famille, acquis en indivision par des époux mariés sous le régime de la séparation de biens et financé en tout (ou en grande partie°) par un seul des époux, en présence de cette clause usuelle insérée dans les contrats de mariage :

ne pourra donner lieu à aucun compte entre les parties sur l’obligation de contribuer aux charges du mariage;

l’époux solvens n’étant pas (plus) autorisé à démontrer une sur-contribution de sa part.

Que les choses soient dites !

Aux épouses (généralement) qui acceptent de mettre peu ou prou en suspens leur carrière professionnelle, pour s’occuper essentiellement du suivi et de l’éducation des enfants, réduisant d’autant leur possibilité de participation financière à l’acquisition du logement familial : elles seront protégées lors des opérations de liquidation-partage;

Aux époux solvens (assez souvent) bénéficiant de plus amples moyens financiers que leur conjoint, qui seraient tentés de spéculer sur leurs règlements immobiliers, tout en laissant à leur épouse le soin d’assumer toutes les autres charges du ménage (et l’illusion que tout est géré à parts égales) : leur tentative de se constituer un patrimoine serait vaine et peine perdue...

Aux épouses solvens (plus rarement) dont l’importance des revenus leur permettent d’assumer la quasi-totalité (sinon la totalité) des remboursements immobiliers et toutes les autres charges du ménage, alors qu’elles continuent d’assumer par ailleurs l’entière charge des enfants et que leur conjoint exerce l’activité professionnelle minimale : attention à l’atterrissage au moment du divorce...

Bien évidemment si la clause usuelle n’est pas insérée dans le contrat de mariage, la question de la « sur-contribution » de l’époux solvens pourra toujours et encore se poser, mais dans ce cas, ce sera à lui de démontrer celle-ci.

Si en revanche, elle est toujours insérée dans les contrats de mariage, prévoyant que les époux sont censés avoir contribué aux charges du ménage à hauteur de leurs possibilités, force est de constater qu’elle ne sert plus à grand-chose.

Il semblerait que les Notaires se proposeraient d’établir de nouvelles formules aux termes desquelles les époux s’entendraient « pour qu’aucun compte ne soit tenu sur le logement de la famille », ce qui aurait l e mérite de voir les époux parfaitement informés en amont de leur union, de tout achat immobilier commun et de toute déconvenue cuisante au moment de leur séparation.