La protection des majeurs et le régime de tutelle

16
Sep
2016
La protection des majeurs et le régime de tutelle

La protection des majeurs et le régime de tutelle

Par webmaster

Le droit de la protection des majeurs a fait l’objet d’une réforme par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, qui a fortement modifié la matière.

La loi du 5 mai 2007 (n° 2007-308) a été complétée par un certain nombre de décrets d’application dont les principaux sont :

le décret du 30 novembre 2007.

le décret du 5 décembre 2008.

le décret du 22 décembre 2008.

Enfin, ce texte a donné lieu à une circulaire de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau, n° Civ/01/09/C1 du 9 février 2009 (B.O. Ministère de la Justice – 28 février 2009).

Ces textes sont codifiés dans le titre XI du Code Civil (articles 414 à 495-9) et dans le titre XII du même Code (articles 496 à 515).

Les règles de procédure en la matière se trouvent aux les articles 1211 à 1263 du Code de Procédure Civile.

Les conditions d'ouverture d'une mesure de protection pour un majeur

L’article 425 du Code Civil prévoit :

Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre.

S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions.

Cette demande peut être faite soit directement au Juge, si elle est présentée par la personne qu’il y a lieu de protéger, par son conjoint, son partenaire dans le cadre d’un P.A.C.S ou son concubin, ou un parent, ou une personne entretenant des liens étroits et stables avec cette personne et pouvant en justifier.

A défaut, cette demande est présentée au Procureur de la République, qui peut également se saisir d’office.

La demande est accompagnée, à peine d’irrecevabilité, d’un certificat circonstancié, rédigé par un Médecin Expert choisi sur la liste établie par le Procureur de la République (la liste des Experts peut être obtenue auprès des Greffes des Tribunaux d’Instance ou du Service Civil du Parquet).

En conséquence, le Juge des tutelles, selon la personne qui est à l’origine de la demande, est :

soit saisi directement avec un dossier (qui peut être demandé auprès du Greffe de tout Tribunal d’Instance) comprenant, outre les renseignements utiles sur la personne dont il est demandé la protection et son patrimoine, un certificat circonstancié;

soit par le Procureur de la République qui, dans cette hypothèse, mandatera un Expert Judiciaire afin qu’il rencontre la personne et puisse déterminer s’il y a lieu à un renvoi devant le Juge des tutelles.

Le Juge des tutelles, ainsi saisi, doit procéder à une audition personnelle de la personne concernée, avant de décider :

soit qu’il n’y a pas lieu à la protection,

soit qu’il y a lieu de mettre en place une curatelle,

soit qu’il y a lieu de mettre en place une tutelle.

En revanche, si l’urgence le justifie, sans qu’il ait besoin de procéder à cette audition, le Juge des tutelles peut, dans l’attente d’une décision, ordonner la mise sous sauvegarde de Justice de la personne concernée (article 433 du Code Civil).

Il convient malgré tout qu’il ait été justifié au Juge des tutelles, par tous moyens et notamment par le certificat médical circonstancié évoqué supra, que les conditions d’ouverture d’une protection prévues à l’article 425 du Code Civil sont remplies et qu’il y a urgence (péril à la personne et/ou au patrimoine).

La personne placée sous sauvegarde de Justice conserve l’exercice de ses droits, sauf pour les actes confiés à son Mandataire spécial par décision motivée du Juge.

Si elle effectue un acte de disposition, celui-ci serait susceptible d’être annulé, a posteriori, en application de l’article 435 du Code Civil.

Le Mandataire spécial peut se voir confier à la fois des mesures de protection du patrimoine et des mesures de protection de la personne.

Cette mesure de sauvegarde ne peut excéder un an (renouvelable une fois).

A partir du moment où le Juge estime que les critères de l’article 425 du Code Civil sont remplis, il va, après audition de la personne concernée (sauf certificat médical faisant état d’une impossibilité totale), décider de l’ouverture soit d’une mesure de curatelle, soit d’une mesure de tutelle.

Il convient de revenir sur les différences entre ces deux mesures de protection.

Les différentes mesures de protection possibles

Il s’agit de la curatelle et de la tutelle.

La curatelle est définie à l’article 440 du Code Civil. Elle concerne :

la personne qui, sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile.

Dans le cas où la personne doit être représentée de manière continue dans les actes de la vie civile, elle sera placée sous tutelle.

Ces mesures sont toujours, par nature, temporaires.

Leur durée ne peut excéder cinq ans, sauf lorsque :

L’altération des facultés personnelles de l'intéressé décrite à l'article 425 n'apparaît manifestement pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science.

Dans cette hypothèse, par une décision spécialement motivée et sur avis conforme du Médecin, le Juge peut prévoir une durée plus importante.

A défaut, les Juges des tutelles doivent, à peine de mainlevée automatique de la mesure, procéder à une révision des décisions de curatelle ou de tutelle avant l’échéance de la mesure, donc tous les cinq ans au minimum.

Le jugement d’ouverture d’une mesure de tutelle ou de curatelle fait l’objet d’une publicité par le Greffe auprès du Répertoire Civil, et est porté en marge de l’acte de naissance de la personne concernée.

A partir du moment où elle est transcrite, cette mesure est opposable à tout tiers.

Le Juge désigne un curateur ou un tuteur, soit parmi des personnes privées non professionnelles de l’entourage (en privilégiant les membres de la famille), soit parmi des professionnels, c'est-à-dire un Mandataire Judiciaire à la Protection des Majeurs (M.J.P.M.).

Ces Mandataires Judiciaire à la Protection des Majeurs sont inscrits sur une liste prévue par l’article L.471-2 du Code de l’Action Sociale et de la Famille.

Le Juge a toujours la possibilité de désigner un subrogé curateur ou un subrogé tuteur (qui assiste ou représente le majeur protégé lorsque ses intérêts sont en opposition avec ceux du curateur ou du tuteur).

De même, le Juge des tutelles peut distinguer la mission de deux curateurs et de deux tuteurs, l’un chargé de la protection des biens et l’autre de la protection de la personne.

Il convient de rappeler que l’article 452 du Code Civil permet au tuteur ou curateur de :

s'adjoindre, sous [leur] propre responsabilité, le concours de tiers majeurs ne faisant pas l'objet d'une mesure de protection juridique pour l'accomplissement de certains actes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat.

La loi du 5 mars 2007 a maintenu la possibilité (en pratique aujourd’hui extrêmement rare) d’un Conseil de famille.

Les droits conservés par le majeur protégé

La loi du 5 mars 2007 a mis un terme à la notion d’"incapable", qui était le terme utilisé précédemment, au profit de celui de majeur protégé.

En effet, quelle que soit la mesure de protection, le majeur protégé conserve un certain nombre de droits.

Il s’agit :

d’actes dont la nature implique un consentement strictement personnel et qui ne peuvent donner lieu à ni assistance, ni représentation : la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant (article 458 du Code Civil)

le choix de sa résidence.

L’article 459-2 du Code Civil rappelle que la personne protégée choisit le lieu de sa résidence et qu’elle a le droit d’entretenir des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non.

Il y a une protection toute particulière du domicile du majeur protégé.

L’article 426 du Code Civil prévoit que :

Le logement de la personne protégée et les meubles dont il est garni, qu'il s'agisse d'une résidence principale ou secondaire, sont conservés à la disposition de celle-ci aussi longtemps qu'il est possible. [...]

Dans tous les cas, les souvenirs, les objets à caractère personnel, ceux indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades sont gardés à la disposition de l'intéressé, le cas échéant par les soins de l'établissement dans lequel celui-ci est hébergé.

La vente du domicile d’une personne protégée nécessite obligatoirement une autorisation expresse et motivée du Juge des tutelles.

La réforme a aussi imposé aux curateurs et aux tuteurs de rechercher, dans la limite des possibilités de la personne protégée, son consentement et donc de l’associer à toute démarche la concernant.

Ceci est notamment repris dans le cadre du Code de la Santé Publique en ce qui concerne tous les actes médicaux et toute information de nature thérapeutique.

De même, la protection des biens est dans l’intérêt exclusif de la personne.

Les comptes ou les livrets ouverts à son nom (sous réserve des dispositions légales et règlementaires ainsi que des décisions du Juge) sont maintenus ouverts.

La personne protégée continue aussi à bénéficier d’une confidentialité quant à sa situation.

Le tuteur ou le curateur n’a de compte à rendre qu’au Juge de tutelles et/ou au Greffier en Chef du Tribunal d'instance.

Le dossier n’est accessible par un tiers que sur autorisation expresse et écrite du Juge des tutelles.

La situation de la personne sous curatelle
La vie de la personne sous curatelle

La personne sous curatelle peut se marier, mais avec l’autorisation du curateur (ou à défaut, celle du Juge).

Elle peut aussi signer une convention de Pacte Civil de Solidarité, mais uniquement avec l’assistance du curateur.

L’assistance du curateur n’est en revanche pas nécessaire pour la déclaration conjointe au Greffe du Tribunal d'Instance.

La personne sous curatelle peut rompre seule le Pacte Civil de Solidarité.

En revanche, l’assistance du curateur est requise à peine de nullité pour la signification prévue à l’article 515-7 du Code Civil, afin de rendre opposable la rupture à l’ancien partenaire.

Une procédure de divorce ne peut être diligentée par une personne sous curatelle qu’avec l’assistance de son curateur.

Il convient de rappeler que les majeurs protégés ne peuvent ni divorcer par consentement mutuel, ni signer un procès-verbal d’acceptation de la rupture (article 249-4 du Code Civil).

La patrimoine de la personne sous curatelle

D’une façon générale, l’article 467 du Code Civil dispose que :

la personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.

Cet article prévoit aussi que toute signification doit être faite avec l’assistance du curateur.

En annexes 1 et 2 du décret du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle et en tutelle, se trouve une liste des actes considérés comme actes d’administration et de disposition.

Cette liste (même si elle ne peut, par nature, être totalement exhaustive) distingue ces catégories d’actes tant en ce qui concerne les meubles et les immeubles, les instruments financiers, que les meubles corporels et incorporels, etc.

Ce document est un outil très important pour déterminer les actes qui peuvent être faits par la personne sous curatelle seule et ceux qui nécessitent l’assistance du curateur.

Le Juge des tutelles peut toujours, par une décision, restreindre les pouvoirs du curateur, ou, à l’inverse, donner une autorisation expresse et spécifique au curateur pour un acte particulier.

La situation de la personne sous tutelle

L’article 473 du Code Civil prévoit que :

sous réserve des cas où la loi ou l'usage autorise la personne en tutelle à agir elle-même, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile.

La vie de la personne sous tutelle

La personne sous tutelle ne peut se marier, ou signer un P.A.C.S., qu’avec une autorisation du Juge des tutelles, qui aura procédé préalablement à l’audition des futurs époux et éventuellement de tiers concernés (membres de la famille).

En cas de divorce, il faut que le Juge des tutelles (éventuellement après audition de la personne sous tutelle) autorise la procédure.

S’agissant malgré tout d’un acte à la fois personnel et patrimonial, le Juge des tutelles risque de ne pas autoriser une procédure de divorce si la personne est hors d’état de manifester une quelconque volonté.

Dans cette hypothèse, il préfèrera probablement une procédure de contribution en charge du mariage et/ou de séparation de corps.

Le patrimoine de la personne sous tutelle

L’article 504 du Code Civil précise que le tuteur accomplit seul les actes conservatoires et des actes d’administration nécessaires à la gestion du patrimoine de la personne protégée.

Là encore, il est utile de se référer aux annexes 1 et 2 du décret du 22 décembre 2008.

Il agit seul en Justice pour faire valoir les droits patrimoniaux de la personne sous tutelle.

En revanche, l’article 515 du Code Civil rappelle que le tuteur ne peut, sans autorisation du Juge, faire des actes de dispositions au nom de la personne protégée.

Il faut une autorisation, notamment pour vendre des biens.

L’autorisation prévoit le prix ou la mise à prix pour lequel l’acte doit être passé.

De même, l’article 506 du Code Civil prévoit que le tuteur ne peut transiger ou compromettre au nom de la personne protégée, qu’après accord du Juge des tutelles.

La personne sous tutelle peut, avec l’autorisation du Juge, faire des donations.

Il sera, pour ces donations, assisté par son tuteur.

Il peut faire un testament mais uniquement avec l’autorisation du Juge.

En revanche, il peut seul révoquer le testament fait avant ou après l’ouverture de la tutelle.

La personne sous tutelle est représentée en Justice par son tuteur, auquel tous les actes doivent être signifiés.

Il convient de rappeler que la prescription ne court pas à l’égard d’une personne sous tutelle.

La responsabilité du tuteur et du curateur

L’article 503 du Code Civil prévoit que dans les trois mois d’ouverture de la tutelle, il doit être procédé à un inventaire des biens de la personne protégée, inventaire qui est transmis au Juge.

Cet inventaire doit être actualisé en cours de procédure.

Le Code Civil prévoit expressément, dans ses articles 510 et suivants, l’obligation pour le tuteur d’établir un compte de sa gestion, auquel sont annexées toutes les pièces justificatives utiles.

Ce compte de gestion doit être remis à la personne protégée, mais aussi et surtout soumis chaque année à la vérification du Greffier en Chef du Tribunal d'Instance dont dépend le majeur protégé.

Il existe la même obligation auprès du Tribunal de Grande Instance pour les tuteurs de mineurs.

Le problème est que, du fait de l’encombrement des services judiciaires, cette vérification pose de graves difficultés et qu’il a été autorisé depuis peu par décret la possibilité pour les Greffiers en Chef de déléguer la vérification (contre rémunération, ce qui peut poser problème pour des majeurs protégés à faibles revenus) à des Huissiers de Justice.

En outre, on peut se poser la question de la formation d’un Huissier de Justice pour vérifier ces comptes.

Cette mission serait davantage du ressort d’un Expert Comptable.

D’une façon générale, le Parquet mais aussi le Juge des tutelles sont chargés de contrôler l’ensemble des mesures de protection qu’ils ont sous leur responsabilité.

Malheureusement, faute d’une saisine du Juge ou du Procureur, ce contrôle semble relativement théorique.

Il existe surtout une responsabilité dans le cadre des règles régissant le mandat (notamment l’article 1991 du Code Civil) puisque le tuteur est un représentant désigné par le Juge.

La responsabilité du mandataire est évidente.

La responsabilité qui existe en matière de gestion d’affaires peut également être soulevée.

La responsabilité du curateur, qui n’a qu’un rôle d’assistance, peut sembler plus difficile à mettre en œuvre, mais existe malgré tout.

Cette responsabilité peut essentiellement être engagée en cas de défaut d’exécution de sa mission d’assistance ou en cas de défaut de conseil.

Enfin, il n’est pas sans intérêt de rappeler que si le tuteur ou le curateur commet des actes qui lèsent les intérêts d’un tiers (non paiement d’une créance de la personne protégée alors qu’il dispose des fonds; non résiliation d’un bail dont il ressort incontestablement que le loyer ne peut pas être réglé avec le budget de la personne protégée ; etc.), sa responsabilité peut être recherchée par ce tiers sur le fondement de la responsabilité civile.

Le mandat de protection future

L’une des grandes nouveautés apportées par la loi du 5 mars 2007 est la création du mandat de protection future, qui est régi par les articles 477 à 494 du Code Civil.

Ce mandat permet à toute personne majeure ou mineure émancipée, ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle (une personne sous curatelle peut donc le signer avec l’aide de son curateur), de charger une ou plusieurs personnes de la représenter dans le cas où l’une des causes prévues à l’article 425 du Code Civil ne lui permettrait plus de pouvoir défendre ses intérêts.

Le but est donc de désigner un représentant légal lorsque l’on a toutes ses facultés pour le jour où on ne les aura plus.

Ce mandat peut être notarié ou sous seing privé.

Il peut être en revanche remis en cause devant le Juge des tutelles, saisi par toute personne y ayant intérêt.

Lorsque le mandat est établi par acte authentique devant Notaire, il inclut tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le droit d’accomplir, seul ou avec une autorisation, sauf les actes de disposition à titre gratuit.

Lorsque le mandat est sous seing privé (soit contresigné par Avocat, soit établi sur un modèle défini par décret), il est limité à la gestion du patrimoine et aux actes qu’un tuteur peut faire sans autorisation.

En revanche, le mandataire peut saisir le Juge des tutelles pour obtenir des autorisations spécifiques ponctuelles.

Dans le cadre d’un mandat notarié, les comptes de gestion sont remis au Notaire, qui assure le contrôle que ferait normalement le Greffier en Chef dans le cadre d’une tutelle.

Pour de nombreuses raisons, dues notamment aux difficultés que peut poser au Notaire le suivi d’un mandat de protection future entré en vigueur, mais aussi aux difficultés de mise en œuvre dudit mandat, cet acte a aujourd’hui peu de succès.